Il n’y a pas de doute que la vue fait partie intégrante de la dégustation d’un cigare.
Et outre le cigare lui-même, ce qui est le plus imposant visuellement lors de la dégustation, c’est certainement la cendre du cigare.
Alors que tu sois de ceux qui jouent à essayer de la faire tenir le plus longtemps possible, qu’elle te tombe toujours sur les genoux (spéciale cassedédi à Damien), ou que tu aimes simplement la contempler, on va regarder ensemble ce que la cendre peut nous dire sur nos cigares.
La couleur de la cendre
Il est très courant d’entendre ou de lire que la couleur de la cendre est indicative de la qualité d’un cigare.
Les promoteurs de cette idée disent souvent qu’une cendre blanche serait indicative d’une qualité supérieure. Plus la cendre serait sombre, plus la qualité serait amoindrie.
Mais, comme le dit le célèbre Min Ron Nee dans sa non moins célèbre Enciclopedia ilustrada de habanos posteriores a la revolucion (enfin célèbre, chez ceux qui connaissent, et surtout par sa rareté), le point commun entre tous les gens qui avancent de telles choses sur la couleur de la cendre, c’est qu’ils n’avancent aucune preuve.
Ce qui n’empêche pas Min Ron Nee de faire de même juste après !
Du fruit de mes recherches, une chose reste plausible : la couleur de la cendre n’est indicative de rien du tout.
Même si on a très envie que ce soit le contraire (biais de confirmation quand tu nous tiens), il n’y a aucune preuve qui l’indique, à ma connaissance.
Mais passons quand même en revue les différentes hypothèses.
Hypothèse n°1 : la couleur vient du sol
C’est certainement plus qu’une hypothèse : la couleur de la cendre serait le résultat du sol dans lequel le tabac a été cultive.
Plus ce sol contenait de magnésium et de calcium (on lit aussi potassium), plus la cendre est blanche.
Là où ça devient moins sûr, c’est que certains avancent que par là même, une cendre grise est indicative d’une vitole de moins bonne qualité, parce qu’il y a eu moins de minéraux dans le sol.
Selon cette hypothèse, on retombe dans le blanc = bon, noir = mauvais.
On lit aussi parfois que c’est l’équilibre entre les minéraux qui jouerait sur la couleur.
Il est connu que les cubains produisent une cendre plus grise que les cigares du nouveau monde.
Regarde ce magnifique Quai d’Orsay Senadores, Edición Limitada 2019 :

Si vous avez des infos sur le sujet, je suis preneur !
Hypothèse n°2 : la couleur vient de la combustion
C’est l’hypothèse avancée par Min Ron Nee, qui nous explique que la couleur de la cendre vient de la combustion.
Selon lui, une cendre blanche provient d’une combustion quasi-complète, tandis que la cendre grise ou noire provient d’une combustion incomplète.
Donc, en poussant son raisonnement, il explique que la cendre blanche se retrouve plus souvent dans les cigares âgés, qui sont forcément meilleurs, et il associe même cendre blanche et puissance faible.
Bref, ce n’est pas très très convaincant non plus.
Je reproduis ci-dessous le paragraphe en question, en espagnol.

Hypothèse n°3 : la couleur de la cendre est indicative de l’humidité du cigare
Enfin, il m’est arrivé de lire qu’une cendre foncée serait l’indication que le cigare est trop humide pour être consommé.
Mais qu’en est-il alors du cigare qui est bon, se consume bien, mais dont la cendre est grise ?
Je laisse chacun adhérer à la théorie qui lui convient ! 🙂
La longueur de la cendre
La longueur de la cendre est parfois impressionnante : certains aficionados arrivent à faire tenir la cendre sur toute la longueur de leur cigare.
Il faut savoir que pour obtenir ce type de résultat, il faut fumer très lentement, et le plus verticalement possible pour éviter que la cendre ne tombe.
Autant dire qu’on ne fume plus pour les même raisons.
Mais que peut nous dire la longueur de la cendre sur un cigare ?
La cendre aide la ventilation et la combustion
En se formant, la cendre permet de maintenir le foyer tranquille et à l’abri de l’air extérieur.
La circulation d’air au sein du cigare est donc un peu meilleure lorsque la cendre est longue, et le cigare a moins tendance à « chauffer » qu’un cigare sans cendre.
Pour autant, nous sommes nombreux à essayer de garder la cendre le plus longtemps possible pour « jouer », jusqu’à ce qu’elle finisse par nous tomber sur les genoux.
On peut donc arriver à la conclusion qu’il faut laisser la cendre, mais que ce n’est pas grave si elle tombe ! 🙂
Si possible, il faut quand même essayer d’en garder 2 à 3 centimètres, tant que le cigare brûle uniformément bien sûr.
La consistance de la cendre
Comme les cigares sont normalement faits de feuilles de tabac entières (si tu n’as pas acheté de faux), on s’attend intuitivement à ce que la cendre soit compacte, ou en tout cas plus compacte que celle d’une cigarette.
Et cela est souvent le cas. On peut même faire tenir un cigare sur sa cendre :

Mais que dit la consistance de la cendre de la qualité d’un cigare ?
A priori, pas grand chose.
La consistance de la cendre aurait aussi à voir avec les nutriments présents dans le sol : trop de magnésium donnerait une cendre friable.
Par contre, comme d’habitude, difficile d’étayer quoi que ce soit avec des preuves !
Que dit la cendre sur la combustion du cigare ?
Jusqu’ici, on a vu que la cendre ne disait pas grand chose sur la qualité d’un cigare.
Et pourtant, il y a bien un moment où la cendre, ou plutôt la forme qu’elle laisse, peut nous renseigner sur la construction d’un cigare.
La première fois que tu cendres le cigare (soit parce qu’elle tombe toute seule, soit parce que tu es proactif), il faut bien observer la forme du tabac en train de se consumer.
Ce qu’on veut, c’est une forme pyramidale, comme ça :

Pour expliquer pourquoi cette forme est positive, il faut repasser par la construction des cigares.
Un cigare est composé de 3 types de feuilles : seco, volado, ligero.
Les feuilles de ligero, qui donnent la puissance au cigare, ont un contenu en nicotine plus important, et une température de combustion plus importante.
Lorsque le cigare est bien roulé, le ligero se trouve au milieu.
Du coup, lorsque le cigare se consume, les feuilles de ligero se consument plus lentement, et laissent cette forme pyramidale spécifique !
Au contraire, si le cigare est mal roulé, et que le ligero se retrouve sur les côtés, on peut avoir affaire à un cigare qui « tunnelle », et se consume plus à l’intérieur qu’à l’extérieur.
Quand et comment cendrer un cigare ?
Pour cette question, on est obligé de faire une réponse de normand : ça dépend.
Lorsque tu cendres, il faut essayer d’être le plus délicat possible, soit en « cassant » doucement la cendre pour qu’elle tombe, soit en faisant tourner le cigare sur le bord du cendrier, en appuyant légèrement.
Pour ce qui est de « quand », tout dépend de la façon dont se passe ta dégustation.
Personnellement, si j’ai une retouche à faire, j’ai tendance à cendrer avant pour que la cendre ne me tombe pas sur les genoux, mais si tu veux jouer, ne te prives pas ! 🙂
Très bon travail d’investigation.
De ma petite expérience, la cendre est la partie résiduelle de la feuille après combustion, une fois ces acides gras et ces polyphénols partis en fumée, reste les minéraux dont le calcium et le magnésium, le premier assure sa tenue et le second sa couleur, plus celle ci est blanche, plus le magnésium est présent. Mais d’autres paramètres peuvent altérer ce jugement comme un cigare trop humide, trop gras peut donner une cendre foncée !
Bonne continuation,
Edmond
Salut Edmond,
Merci pour ton commentaire 🙂
Effectivement c’est difficile de faire le tour et d’avoir une réponse définitive sur la question de la cendre !
L’hypothèse des minéraux affectant la couleur revient souvent, alors il y a peut-être un fond de vérité là-dedans 🙂
Vince